Décès de Roberto Bianco
Mercredi 25 septembre 2024
Le G.H.M. de sa création à aujourd'hui
Le Groupe de haute Montagne (GHM) fondé au cours de l'été 1919 est le plus ancien des groupes spécialiés d'Alpinisme et le seul existant encore en France à ce jour.
A cette époque, il n'existait pas de guide en français décrivant les itinéraires d'ascensions et pour la préparation des courses on avait recours au «Molli Blanc Führer» édité en 1913 par le Club alpin autrichien.
Bien qu'ayant formé un certain nombre de cordées aptes aux grandes ascensions sans guide, les rochassiers de l'époque avaient une action qui restait limitée à un petit cénacle manquant de moyens de propagande. Pour lui donner une certaine extension, il apparut nécessaire de former un Club, à l'instar des Clubs Académiques étrangers.
Mais ce nouveau Club, qui devait prendre le nom de Groupe de Haute Montagne, avait besoin d'élargir son audience. C'est pourquoi, un soir de fin septembre, quelques rochassiers (dont Jacques de Lépiney, H. Brégeault, Paul Chevalier, Alice et Maurice Damesme) se sont trouvés réunis à Chamonix, dans une brasserie dont le balcon de bois surplombait les flots bouillonnants de l'Arve. Tout en absorbant des demis, chacun fut chargé d'écrire à une personne jouissant déjà dans les milieux alpins d'une certaine réputation, une lettre sollicitant son parrainage.
L'Assemblée générale constitutive du Groupe se tint le 22 décembre 1919. Le Président d'honneur de l'époque était E. Sauvage, et les membres d'honneur étaient G. Casella, E. Giraud, Dr Jacot-Guillarmod, J. Jarray, H. de Lépiney, L. Le Bondidier, J. Maunoury, P. Puiseux, Comte de Saint Saud.
Les membres actifs comprenaient Mmes Bailly Lereins, A. Damesme, MM. P. Bosviel, H. Brégeault, Paul Chevalier, R. Dalley, M. Damesme, F. Desmarais, A. Duval, J. Escarra, M. Galichon, M. Gripon, Hadley, E. et C. Jérôme, Landry, P. Le Bec, Lejosne, J. et T. de Lépiney, G. Liégeard, P. Logeais, Marion, E. Monod Herzen, R. et P. Puiseux, Repiton Pre neuf, Dr. Th. Thomas, Vetillard.
(A noter que les membres fondateurs étaient indiqués F19 dans date d'entrée au GHM sur la liste des membres et les autres notés 19 étaient entrés au GHM en 1919 mais après la création ! Il semblerait que les F19 étaient très vigilants concernant cette (modeste) différence...)
Constitué au sein du Club Alpin Français qui le reconnaissait, le recommandait à ses membres, et lui offrait l'appui de "La Montagne" laquelle publiait ses statuts et ses communiqués, le GHM déclarait réunir les alpinistes pratiquant le sport alpin en haute montagne et en montagne difficile, avec ou sans guide ! Etre membre du CAF était alors une des trois conditions d'admission, en plus des nécessaires qualités alpines du candidat ! (pour avoir toutes les informations historiques concernant le CAF, veuillez cliquer ici).
Il est intéressant que noter que dans les années qui suivirent la première guerre mondiale, de nombreux groupes spécialisés d'Alpinisme virent le jour, ayant tous la particularité d'exiger certaines conditions pour l'admission des nouveaux membres. Parmi tous ces groupes, le CAFA (Club Académique Français d'Alpinisme) fondé à Paris en 1925 tient une place particulière, puisque contrairement aux groupes existants (y compris le GHM !), c'est le seul club ne reconnaissant que l'alpinisme sans guide, parce qu'étant la forme supérieure de l'alpinisme idéal et complet... Mais, paradoxalement, les conditions d'admission étaient moins sévères que celles du GHM ! Le gros succès du CAFA fut la création de la revue "Alpinisme" qui dès le premier numéro se plaçait au tout premier rang des publications alpines françaises. Cédée à une société commerciale alors que cette revue était en pleine prospérité, elle subit alors un appréciable développement rédactionnel et ce mouvement la conduisit à traiter des plus hautes montagnes des Alpes et des pays étrangers, jusqu'aux Himalaya. Cette revue subissait en fait l'empreinte de ceux qui en devenaient les propriétaires et la conduisaient, en l'occurence un groupe de membres du... GHM !
Il n'est donc pas étonnant que le GHM et le CAFA se soient rapprochés dès 1927, cette évolution trouvant sa conclusion dans la ratification d'un accord entre les deux associations. Nul ne pouvait être admis au CAFA s'il n'adhérait au préalable au GHM ! Mais cet accord ne tint que peu de temps suite à de nombreux conflits entre quelques fondateurs du CAFA et le Comité du GHM.
En fait, à la même époque, le GHM aspirait déjà à une indépendance complète. En effet, le GHM et le CAF qui "l'hébergeait" poursuivaient des buts très différents. Si le premier regroupait une élite peu nombreuse d'alpinistes sélectionnés, le second fédérait l'ensemble des montagnards français, quelles que soient leurs activités. Ceci ne pouvait que soulever tôt ou tard des difficultés, qui provoquèrent la rupture en 1930. Le 4 novembre de cette année, l'assemblée générale du GHM se prononçait pour la séparation avec l'association-mère, et pour la création d'un groupe totalement autonome. Cliquez ici pour lire la lettre officielle d'Henri de Ségogne au Club Alpin Français annonçant la sécession du G.H.M..
Cette séparation fut cependant très bénéfique, et un protocole de collaboration fut rapidement ratifié dès le début de l'année 1931. Cette collaboration qui n'a jamais cessée depuis lors s'est révélée être très féconde, puisque de nombreux membres du GHM furent appelés à présider aux destinées du CAF: Lucien Devies, Jean Escarra, Jean Franco, Maurice Herzog... Claude Deck fut lui-même vice-président pendant de nombreuses années. En 1955, les deux associations décidèrent d'allier leurs efforts en concentrant leurs moyens, et de fusionner "La Montagne" organe du CAF, et la revue "Alpinisme" devenue depuis de nombreuses années déjà (1932) la revue du GHM. Cette fusion donna naissance à la revue "La Montagne & Alpinisme" qui prévaut encore aujourd'hui !
Au cours de la seconde guerre mondiale, le paysage associatif dans le monde de la montagne fut profondément modifié par la création d'une Fédération Française de la Montagne (FFM, puis FFME aujourd'hui, la voyelle E concernant l'escalade). Cette évolution ne fut pas sans difficultés, notamment pour le CAF qui fut menacé alors sérieusement de dissolution... Au sein de cet organe d'état par excellence, structuré pour drainer des élites, le GHM joua très rapidement un rôle capital, plusieurs de ses membres ayant fait partie constamment du comité de direction de la Fédération. Lucien Devies entre autres, y présenta et défendit un programme de promotion de l'alpinisme français, programme réalisé par la FFM, notamment par l'organisation d'expéditions nationales dont elle fut le maître d'oeuvre. On remarquera que la FFM a été présidée presque exclusivement par des membres du GHM: Louis Neltner, Lucien Devies, Louis Gevril. Aujourd'hui encore, avec Robert Paragot, la FFME est dirigée par un ancien Président du GHM ! A noter que la direction du Comité de l'Himalaya et des expéditions lointaines au sein de la FFME constitue depuis sa création une chasse gardée du GHM !
Cette forte implantation du GHM dans les deux principales structures françaises consacrées à la montagne et à l'alpinisme est en fait le reflet de la haute qualification alpine de ses membres acquise sur toutes les montagnes du monde. Né dans l'amitié, le GHM a grandi dans ce cadre, et suscite toujours un grand attachement de la part de ses membres. Il compte ainsi, ou a compté, parmi ses membres la plupart des meilleurs alpinistes français, et de nombreux alpinistes étrangers du plus haut niveau. Fin 1997, le GHM comptait 253 membres, dont 45% de nationalité étrangère.
L'oeuvre du GHM, comme le commentait l'éditorialiste de la revue "Alpinisme" à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la fondation du Groupe, peut se résumer à la création et au maintien d'un alpinisme français de classe internationale. Outre les entreprises individuelles souvent exceptionnelles, les membres du GHM ont été sélectionnés pour la plupart des grandes expéditions nationales: tentative au Hidden Peak (1936), Annapurna (premier "8000", 1950), Fitz Roy (1952), Makalu (1955), Tour de Mustagh (1956), Chacraraju (1956), Jannu (1962), Mont Hungtington (1964), face nord du Huascaran (1966), Pilier ouest du Makalu (1971)... Ainsi, la longue histoire de l'alpinisme français de haut niveau a été écrite sur le terrain par des membres du GHM. Nombre d'entre eux ont également contribué à faire évoluer les techniques de progression, tant en escalade rocheuse que glaciaire.
Il n'est donc pas étonnant que le GHM soit impliqué dans de nombreux guides consacrés à l'Alpinisme. En particulier, le fameux guide Vallot ! Par ailleurs, le GHM édite annuellement depuis 1955 son bulletin, "Les Annales", véritable encyclopédie de l'histoire de l'Alpinisme en France et dans le monde.
Mais l'historique du GHM se serait pas complet sans mentionner le lien qui depuis sa création unit ses membres. En effet, le GHM n'est pas une association ordinaire, à tous égards ! Il n'est pas exagéré de considérer que le GHM est avant tout l'expression d'un état d'esprit, où chacun apporte sa contribution à la richesse du Groupe par ses réalisations, et son engagement personnel dans la pratique de l'Alpinisme de difficulté. Comme l'écrivait Robert Paragot, ancien Président du GHM, "c'est tout cela le GHM, où rien de s'achète et où tout se gagne dans de hautes luttes, loin des foules, pour soi-même, pour donner du sel à la vie."
Un historique très intéressant réalisé par notre camarade Claude Deck est disponible sur les pages du Centre National de Documentation Lucien Devies de la FFCAM. Pour accéder à ce travail, veuillez cliquer ici.
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